La rose de feu

 

De retour de croisade, une expédition qui lui laissait un goût de cendre, le chevalier Amaury de Roscoff rêvait de ses retrouvailles avec sa belle épouse Philae aux doigts de roses.

Il portait sur son cœur le livre d’Heures qu’elle lui avait offert lors de son départ. Il en avait lu toutes les pages ; de plus, cet objet sacré lui avait sauvé la vie au cours d’une bataille, parant un  coup de sabre certainement mortel.

Le coup asséné avait causé un dommage sur la couverture du livre relié, déchirant le Hénin de la dame présente sur l’enluminure.

Il se promettait de restaurer le précieux ouvrage et son esprit vagabondait autour d’un rêve récurrent qui le berçait à la veille d’un combat : une rose de feu se déployait avec magnificence, son éclat et son parfum inondaient son corps meurtri, protégeant son épiderme endolori d’une fine pellicule protectrice.

Persuadé d’avoir eu la vie sauve grâce à cette rose de feu, Amaury de Roscoff désirait cette fleur avec intensité.

Son cheval Edelweiss s’arrêta soudain près d’un buisson. Amaury mit pied à terre et explora les environs.

C’est alors qu’il la vit, lançant des éclats de feu, la rose de sa recherche.

Il s’en approcha avec précaution et la rose des merveilles se métamorphosa en jouvencelle, vêtue de lin, aux longs cheveux étals comme une nappe dorée sur la chute de ses reins.

«  Qui es-tu, belle enfant aux yeux de lumière demanda Amaury, ému par tant de beauté.

Je suis ta rose, je t’ai protégé nuit et jour dans cet orient tragique où vos rois ont voulu guerroyer. Je n’ai pas voulu t’abandonner lorsque tu as pris le chemin du retour. J’ai beaucoup entendu parler de la Bretagne et j’ai hâte de voir la côte de granit rose où je suis sans doute née, près des Fous de Bassan et des goélands ».

La jeune fille se tut et elle reprit l’apparence de la fleur originelle.

Amaury la posa délicatement sur son cœur, près du livre d’Heures de sa Dame d’Amour et il reprit sa route, heureux d’avoir trouvé son talisman.