dimanche 27 septembre 2020

Eléonore, source de lait et de miel

 



La grande vague de Kanagawa du peintre Hokusai a recouvert le papier peint de la chambre d’Eléonore choisi pour honorer La Jeune Fille à la Perle de Vermeer de Delft et cette vague monumentale a eu raison des rêves d’art et de perles de la belle idole du quartier de l’île Saint Louis.

Les jeunes gens qui ont la chance  de la croiser dans la rue, en robe volière, en chaussures à hauts talons, un petit sac brodé à la main, ont l’impression de se laisser engloutir par une source de lait et de miel et ils ont hâte de briser avec les convenances et de lui offrir la chaleur de leur âme devenue désir.

Mais Eléonore ne songe pas à épouser leurs rêves et elle va, toujours un livre et un carnet de notes à la main, ce qui irrite ses ardents soupirants.

Il arrive parfois qu’elle s’accorde une pause sur un banc qu’aurait aimé le dessinateur Peynet. Elle se laisse aller à la rêverie : des écureuils et des oiseaux lui tiennent compagnie, éloignant ainsi les soupirants qui voudraient voir briser la méditation d’une belle âme.

Eléonore aurait été une dame courtisée au Moyen Age et les chansons auraient jailli des lèvres des troubadours.

Des chevaliers se seraient affrontés en tournoi pour l’un de ses rubans et un coup d’épée fatal asséné par l’un d’eux aurait précipité le rival dans les eaux glacées du Styx sans que le vainqueur soit assuré de gagner le cœur de la dame.

Eléonore, source de lait et de miel, qualification qui aurait semblé injurieuse au temps de l’amour courtois mais qui s’apparente au Cantique des cantiques de la Bible, reprend ensuite sa route, dépose livre et carnet dans la loge de sa concierge et repart, un panier à la main pour s’approvisionner dans le quartier.

Et c’est dans une épicerie fine où elle achète de quoi réaliser des plats orientaux, du thé à la rose et des noix enrobées dans de la pâte d’amandes qu’elle fait la rencontre d’un émule de Richard Cœur de Lion.

Elle accepte de se faire raccompagner chez elle, l’invite à monter dans son appartement malgré les regards courroucés de sa concierge, prépare le thé et écoute les déclarations enflammées de son chevalier servant.

Puis, après une légère collation, elle tire les rideaux de son alcôve et invite son amant à découvrir l’incroyable source de son corps.

Cette rencontre qui n’est autre que le ressenti de la grande vague de Kanagawa laisse enfin éclater sa personnalité profonde, celle de la jeune fille à la perle de Vermeer de Delft.

Libérée, elle peut enfin vivre au grand jour une immense histoire d’amour que son amant, Jocelyn de Rohan aura à cœur d’en dérouler le parchemin, au fil des jours.

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