lundi 21 septembre 2020

La fée des roselières

 

 


En se rendant dans les roselières pour y récolter divers cadeaux de la nature, œufs de toutes sortes, toujours délicieux, battus en omelette et agrémentés de crème épaisse et de jeunes pousses , galets façonnés par le roulis des eaux vives à l’origine de l’étang, Sylvia fit une rencontre inattendue : la fée des roselières, papillonnant à l’endroit précis où elle avait l’habitude de collecter les trésors qui agrémentaient ses repas.

Loin de s’effaroucher, la fée, vêtue de tulle rose et de taffetas, drapée dans une belle étole de mousseline bleu turquoise, filetée or, prit la main de la jeune fille et l’attira dans son palais de cristal gardé par des cygnes, au cœur de l’étang.

Ce palais était si merveilleux que Sylvia eut l’impression d’être devenue une reine et elle en oublia tout ce qui était son univers, les plaisirs rustiques et les soirées passées au coin du feu à échafauder des plans pour vivre mieux.

«  Ici, chère Sylvia, tu ne manqueras de rien et je ne te demanderai en retour que ton concours pour l’éducation d’un jeune prince orphelin que j’ai recueilli, l’arrachant à un milieu hostile et à des nourrices écervelées, ne songeant qu’à leurs amours éphémères. » lui dit en substance la fée.

Sylvia, très à l’écoute de la fée des roselières, nommée Fleur de Lotus, attendait avec impatience qu’on la conduise vers l’enfant mais Fleur de Lotus lui apprit que le petit prince Amour voguait sur l’étang dans un bateau en forme de cygne tracté par des oies sauvages qui avaient accepté l’honneur d’assurer la sécurité du petit prince.

S’il encourait le moindre danger avaient-elles assuré à la fée, nous interviendrions immédiatement, le soustrayant à un éventuel ravisseur en l’emmenant dans les airs, à bord d’une nacelle en osier, tapissée de coussins de soie et de velours.

Mais les oies sauvages n’eurent pas besoin de recourir à ce plan de sauvetage ingénieux et le petit prince Amour arriva à bon port en riant aux éclats et en battant des mains.

Peu farouche, il se laissa embrasser par Sylvia qui était au comble du bonheur.

Elle emmena l’enfant dans la chambre spacieuse et décorée avec goût  qui était la sienne, lui servit son repas à base de laitages et de bouillie aromatisée aux fleurs lacustres puis elle le changea et le berça en chantant des romances pour qu’il s’endorme, des rêves au bord des cils.

Cette tâche achevée, elle rejoignit la fée et toutes deux dégustèrent un repas simple comprenant un potage léger aux liserons d’eau et une omelette mousseuse comme les aimait Sylvia.

Le dessert consistait en coupelles de lotus garnies de crème au lait d’amande, agrémentée de graines de pavot, croquantes à souhait.

Les deux jeunes femmes, à ce détail près que la fée des roselières avait mille ans mais qu’elle  ne paraissait pas son âge, féerie oblige, devisèrent, songeant à ce qu’il faudrait enseigner au prince Amour pour qu’il justifie le choix de son prénom.

Nous veillerons à ce que l’art guerrier ne soit pas pour lui vital et majeur mais qu’il le considère comme un mal nécessaire,  seulement en cas de besoin.

Nous ne le priverons pas des belles légendes concernant les chevaliers de la Table Ronde, ajouta la fée, mais nous mettrons l’accent sur la recherche du Saint Graal, destiné à faire régner l’harmonie et la paix dans les royaumes terrestres.

Et nous lui apprendrons aussi à danser au son du tambourin et à réciter des fables et des poèmes renchérit Sylvia avec enthousiasme.

Qu’il soit également enclin à la méditation, aux Mathématiques, à l’écriture et à l’expression de ce que contient son noble cœur dit encore la fée.

Puis chacune d’elles se retira dans sa chambre pour y goûter les plaisirs de la nuit enrobés des voiles légers de la rêverie.

Jour après jour, Sylvia aida le petit prince Amour à grandir avec sagesse, force et beauté.

Lorsqu’il devint un bel adolescent capable de faire front à toute éventualité concrète et ardue, la fée libéra sa belle éducatrice, lui faisant don des années passées à élever et éduquer le petit prince.

C’est ainsi que Sylvia se retrouva dans la roselière, son panier de plantes et d’œufs à la main et qu’elle rentra chez elle, escortée par les oies sauvages, comme si les dix-huit années  écoulées n’avaient duré qu’un instant.

Elle remercia la bonne fée en son âme et vécut de belles années, dans l’espoir de voir un jour le prince Amour frapper à sa porte, ce qui ne manquera pas d’arriver, parole de fée !

 

 

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