vendredi 18 septembre 2020

Une goutte de rosée

 



Une goutte de rosée s’étira et devint berceau pour le nouveau-né aux joues roses et aux beaux yeux d’azur.

Sa mère, obligée de s’exiler pour des raisons pécuniaires et morales, le père de l’enfant étant un homme marié, s’en remit aux flots qui avaient bercé le divin Ulysse. Il avait franchi les récifs de Charybde et Scylla et résisté à l’appel des sirènes notamment.

Le corps enrobé d’écume, la jeune mère fut jetée sur le rivage avec son enfant qu’elle prénomma Nikos , en l’honneur de Nikos Kazantzakis qui réécrivit l’ Odyssée en la situant au XX ème siècle.

Nikos, peu soucieux des origines de son prénom, réclama son lait et sa mère, nouvelle Hélène, l’allaita et le berça pour qu’il se rendorme, évitant ainsi de se rendre compte de l’environnement hostile qui était le sien.

Par chance, Hélène eut le bonheur d’attendrir un pêcheur qui rentrait chez lui à bord d’un voilier.

Il emmena la mère et l’enfant dans sa maison accueillante, ne posa aucune question, alluma un bon feu de bois et offrit des vêtements soyeux ayant appartenu à sa mère, décédée depuis peu, à la naufragée.

Virgile, le pêcheur, servit une collation de lait de chèvre, de fromage et de confiture de cerises noires pour agrémenter du pain bis et de la brioche qu’il cuisait lui-même dans un four de briques, à l’extérieur de la maison.

Nikos bénéficia de la robe de baptême de Virgile et de son berceau.

Se sentant en sécurité dans cette demeure paisible, Hélène ferma un instant les yeux et s’endormit comme une enfant.

Le lendemain, elle s’éveilla, revêtue d’une chemise de nuit en lin au cœur d’un grand lit qui conservait l’empreinte de son corps.

Rougissant à la pensée que Virgile l’avait déshabillée avant de lui passer la jolie chemise sans l’éveiller, elle oublia vite les tourments infligés à sa pudeur car son odorat lui indiqua qu’un café chaud et des tartines grillées attendaient son réveil.

Virgile la servit généreusement puis lui apporta l’enfant lorsqu’il réclama son lait.

Il l’informa qu’il resterait quelques jours à terre en sa compagnie afin qu’elle s’habitue aux tâches coutumières qui relevaient des occupations du monde marin dans son havre terrestre.

Hélène reçut cette information avec gratitude.

Les jours suivants furent pour elle marqués par les pierres blanches du bonheur.

Virgile s’éclipsa juste le temps de s’approvisionner au marché et d’acheter des vêtements pour la mère et l’enfant.

Il éprouvait une immense admiration pour cette femme qui n’avait pas hésité à affronter les flots pour assurer un avenir à son enfant.

Hélène lui raconta, par bribes, l’histoire de sa vie, l’amour passionné qu’elle avait éprouvé aveuglément pour un homme qui lui avait caché son statut d’homme marié et qui n’avait pas hésité à l’abandonner, à l’annonce de sa maternité.

Elle avait dû affronter les regards courroucés et dégoûtés de son entourage et finalement, elle s’en était remise au verdict du dieu Poséidon pour sauver l’enfant de la honte.

Au fil des jours, elle revivait et l’enfant s’éveillait, souriant à Virgile comme s’il se fût agi de son père.

Virgile alla chez le tailleur pour qu’il lui fasse un costume élégant, pressa Hélène de commander une jolie toilette à la couturière du village ainsi qu’un bel ensemble destiné à l’enfant.

«  Pourquoi ces frais ? lui demanda doucement Hélène.

Pour nos noces, si vous y consentez, lui répondit Virgile en l’enlaçant tendrement. Puis il ajouta en souriant : Nikos est si beau, si robuste et il grandit si bien qu’il est temps de lui donner une petite sœur ».

Hélène s’abandonna dans les bras de Virgile, au comble de l’émotion et elle remercia la déesse Athéna pour l’avoir si bien protégée !

 

 

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