mercredi 23 septembre 2020

Geoffroy, le chevalier à la rose

 



Dans une île volcanique vivait un chevalier, Geoffroy de Brabant mais son amour pour les roses lui valait le surnom de chevalier à la rose.

Chaque jour, il choisissait une fleur avec le plus grand soin pour en orner sa boutonnière.

Ainsi paré, il faisait atteler la calèche et s’en allait sur les chemins de pierre à la recherche de l’amour car il se disait que c’était ainsi que ses ancêtres avaient choisi l’élue de leur cœur.

Progressant dans la nature au rythme des chevaux, dirigés avec prudence par le cocher soucieux de l’état des routes, désireux d’éviter que la calèche ne verse, Geoffroy avait le temps d’admirer le paysage tourmenté et accidenté.

Les éruptions volcaniques avaient laissé des traces, de grands cratères s’étaient formés et sur les brisures de lave, des fleurs miraculeuses avaient jailli, formant un tapis cristallin, coloré, digne d’orner un palais.

Geoffroy résista au désir d’en cueillir un bouquet et soudain, au détour d’un virage, il aperçut une jeune fille qui marchait, pieds nus, ses sabots à la main, cheveux dénoués, ornés de roses minuscules.

Voilà un signe du destin se dit le chevalier à la rose, cette jeune fille porte l’insigne de mon blason, elle est sans doute celle que j’attends.

Il fit signe au cocher de stopper l’attelage et il invita la jeune fille à prendre place à ses côtés, lui proposant de l’emmener à l’endroit où elle souhaitait se rendre.

Grand merci, messire, dit la jeune fille en s’asseyant en vis-à-vis, je vais rendre visite à ma grand-mère. Certes, je n’ai ni pot de beurre ni galette mais je suis soucieuse de son état de santé. Si cela est nécessaire, je resterai auprès d’elle et préparerai ses repas.

Voilà une initiative qui vous honore, gentille demoiselle et si vous me le permettez, je serai près de vous et agirai dans la mesure de mes moyens.

C’est ainsi qu’ils se présentèrent tous les deux au domicile de la personne qui, de fait, avait besoin d’aide.

Grand-Mère Honorine souffrait tant de ses rhumatismes qu’elle fut heureuse de voir sa petite fille Violetta, un bonheur pour les yeux !

Elle se sentit tout de suite mieux et elle insista pour servir au chevalier un peu de son élixir de vie, de la liqueur d’angélique et un gâteau moelleux qu’elle avait cuit la veille, espérant recevoir une visite.

Elle offrit un breuvage de sa composition, un sirop de violettes et d’oranges confites à sa petite fille et déclina sa proposition : je peux encore faire quelques tâches. Tu me causes un grand plaisir en venant me rendre visite mais je m’en voudrais de te retenir ici, loin du monde et de la possibilité de trouver un sens à ta vie.

Le chevalier complimenta l’aïeule pour ses paroles empreintes de sagesse et de visions précises du monde tel qu’il était.

Pour vous remercier de votre charmante hospitalité, ajouta-t-il, je dépêcherai, avec votre permission, des membres du personnel qui s’occupe de mon château. Ils auront vite fait d’accomplir ici les travaux nécessaires à l’embellissement de votre intérieur, favorisant les accès pour améliorer votre quotidien.

En revanche, dit-il avec le sourire, je vous demanderai de bien vouloir donner la recette de cette fabuleuse liqueur d’angélique qui réveillerait un mort tout en ayant un arome pouvant rivaliser avec celui de l’ambroisie, destinée aux dieux de l’Olympe. Mon chef cuisinier prendra note des étapes de cette sensationnelle réalisation.

Violetta remercia le chevalier et lui témoigna sa gratitude en acceptant son invitation à venir au château.

Je ne suis pas vêtue convenablement dit-elle avec une certaine gêne.

Qu’à cela ne tienne, répliqua Grand-Mère Honorine, j’étais une beauté dans ma jeunesse et j’étais coquette. Ma garde-robe est à ta disposition.

Elle sortit d’une grande malle une fabuleuse collection de toilettes aussi magnifiques les unes que les autres.

Violetta opéra son choix avec l’assentiment du chevalier et elle jeta son dévolu sur une robe couleur du temps, digne de Peau d’ Âne.

De jolies chaussures de satin blanc mettaient en valeur ses chevilles et ajoutaient à son allure de ballerine.

Grand-Mère Honorine brossa et peigna ses longs cheveux puis les tressa en piquant çà et là les roses mignonnettes de sa chevelure dénouée.

Ainsi rendue à l’élégance, Violetta embrassa affectueusement sa grand-mère, lui promettant de revenir bientôt puis elle reprit place dans la calèche après que le chevalier eut discrètement glissé quelques louis d’or sous la serviette brodée du goûter improvisé.

Enveloppée dans une cape de velours noir, brodée d’édelweiss, Violetta fit sensation au château et elle fut reçue comme une princesse.

La gouvernante lui montra ses appartements qui étaient tout simplement princiers.

Le soir, un dîner d’apparat fut servi et ce fut une succession de mets savoureux et de boissons aromatisées au miel et au gingembre avec un dosage discret de sirop de groseilles.

Rien qui soit à la hauteur de la liqueur de votre grand-mère dit galamment le chevalier.

Ces simples mots furent les éléments déclencheurs d’une belle romance qui les conduisit sur les chemins répertoriés sur cette mythique carte du Tendre, imaginée par les Précieuses, au Grand Siècle, ce qui servit habilement la cause des femmes, déterminées à conquérir un brin de liberté, grâce à la courtoisie et à la reconnaissance du droit d’aimer.

Le chevalier commanda à son jardinier une rose nouvelle et on la nomma tout simplement  Princesse qui devint le titre de la belle Violetta qui ne cessa jamais d’honorer sa grand-mère, à l’origine pensait-elle, de sa rencontre déterminante avec le chevalier qui devint son époux, alliant ainsi la légende à la romance personnelle d’un jeune homme, éperdument amoureux d’une jeune fille, aperçue au détour d’un chemin, cheveux au vent et sabots à la main, comme la jolie fée des terres volcaniques de son royaume !

 

 

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